Bonsoir les Amis,
L’autre fille est la sœur décédée d’Annie Ernaux. Comme dans plusieurs ouvrages de son oeuvre, l’auteure écrit ici un récit autobiographique. Il s’agit d’une lettre adressée à sa sœur, bien qu’elle ne lui soit pas destinée. Elle l’est à ses lecteurs. A nous. Les Editions NiL ont lancé il y a quelques années, une nouvelle collection appelée « Les Affranchis ». Celle-ci propose à des écrivains de rédiger la lettre qu’ils n’ont jamais écrite. C’est dans ce contexte que ce livre a été rédigé puis publié.
Alors elle-même âgée de dix ans en 1950, elle surprend une conversation entre sa mère et une femme, révélant qu’Annie avait eu une sœur aînée, morte à six ans de la diphtérie, avant sa propre naissance. Les mots terrifiants la cognent, la déchirent, la brûlent, puis la hanteront toujours. Ils m’ont aussi choquée. Surtout quand sa mère déclare :
« Elle ne sait rien, on n’a pas voulu l’attrister. »…/…
Puis à la fin :
« Elle était plus gentille que celle-là. »
Celle là étant Annie Ernaux.
En ce milieu du vingtième siècle, l’enfant n’avait pas le droit à la parole et encore moins aux explications. Seuls les non-dits et le silence étaient susceptibles de camoufler une peine, une blessure. Comme si à ne rien dire, rien ne s’était passé. Annie n’a jamais connu cette sœur tant aimée par ses parents. Elle ne peut donc souffrir du manque mais seulement de l’absence. Au fil des années elle en veut terriblement à sa mère qu’elle ne nomme jamais Maman, mais Elle. Elle lui reproche son manque de communication et ce qu’elle prend pour une préférence envers sa sœur, sans éprouvert de jalousie pour autant.
Annie Ernaux décrit avec une simplicité et une finesse remarquables les effets néfastes de tous ces mots jamais prononcés, de tous ces événements jamais reconnus. Les secrets de famille peuvent avoir des conséquences incommensurables sur la vie ultérieure.
Un autre passage m’a particulièrement marquée :
« Je n’écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j’écrive, ça fait une grande différence. »
A partir de là j’ai pris conscience de la puissance de la nécessité d’écrire pour l’auteure. Activité qu’elle exercera remarquablement bien tout au long de sa vie.
Je vous laisse découvrir ce texte court qui n’est pas un roman mais un témoignage épistolaire d’une fille à sa mère, plus qu’à sa sœur.
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