
Emmitouflée dans un plaid, le dos appuyé contre le canapé, elle lit en musique. Elle a du mal à se concentrer. Dire Straits joue Going home et une trentaine de pages auront raison d’elle. Elle sombre, engluée dans un sommeil imagé.
“Dans une forêt brou de noix, elle est assise sur le sol humide, le dos contre un tronc noueux. Sensation de jambes légères allongées dans les feuilles ambrées, elle émerge. Ouvre les yeux sur une nuit terre d’ombre. Le vent grince dans les feuilles. De grands oiseaux claquent leurs ailes dans un bruit orchestré et assourdissant. Des mouettes. Elles lui crient de se lever. Elle entend battre un tambour. À moins que ce ne soit un cœur. Pas rouge. Corail. Elle ne sait si c’est le sien. Une peur l’étreint. Une odeur d’humus piquante plane. Elle se redresse et entame une course qu’elle veut rapide. Ses jambes deviennent lourdes. Ses longs pieds palmés l’encombrent, la font trébucher. Au loin, une voix grave l’appelle. La happe. Elle arrive enfin avec peine sur une clairière blanche. Les notes d’une harpe – qui lui évoque son enfance – envahissent l’air. Une pluie d’étoiles scintillantes dégouline et la recouvre tout entière. Elle tend son visage laiteux vers le ciel invisible. Une silhouette charpentée et épaisse couleur tabac l’attend. Elle le reconnaît, elle lui tend les mains. Une odeur chaude et sucrée. Elle est rassurée. Un instant seulement. Il s’évapore aussitôt. Des plaintes d’un blanc—opalin s’élèvent, explosent disparaissent. Une douleur fulgurante déchire sa poitrine. Elle tombe à genoux sur le sable plomb.”
Le vibreur de son téléphone portable la sort de sa torpeur. Elle le saisit d’un geste mou. Une notification sans importance. Sa bouche est pâteuse. Le souffle court. Des couleurs. L’impression d’avoir couru.
Il était là. Elle l’a senti. Des effluves sucrés lui reviennent en mémoire.
Un frémissement de son corps.
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