
[Épisode 7] ✍️
…/… Agate, assise face à une cinquantaine de chaises, scrute les derniers libraires arrivés.
Observer les autres est son occupation favorite. Tous ces détails qu’elle perçoit sont inspirants. Un corps, un geste, un mouvement oculaire, un mot. Les couleurs et les odeurs. Elle croise des regards. Des sourires aussi. Enjoués ou juste polis. Elle présente ce soir son roman L’ange gardien pour convaincre ces professionnels de l’intérêt de son livre, pour leur donner envie de le vendre.
Le calme s’installe. Agate inspire profondément pour faire taire cette petite appréhension qui l’étreint à chaque prise de parole publique. Une fois disparu ce léger stress, sa voix assurée subjugue par son enthousiasme. Lancée, elle parle sans discontinuer, elle raconte sans trop en dire, sans dévoiler l’intrigue. Comment savoir où s’arrête la réalité et où commence la fiction ? La frontière est parfois ténue. Elle aime semer le trouble dans l’esprit du lecteur.
Soudain, la porte de bois s’ouvre dans un léger grincement. Une jeune femme entre, emmitouflée dans une épaisse écharpe de laine. Comme une ombre planante, un courant d’air se glisse dans la salle. Des têtes se tournent, des regards curieux fusent. La jeune femme embrasse les lieux du regard et se dirige avec aplomb pour s’asseoir au bord de l’allée, devant. Agate la distingue alors mieux. Une vingtaine d’années. Installée dans une posture défiante, son écharpe posée sur ses jambes croisées. À ses pieds, une besace d’où glisse un casque audio. La fille est plutôt belle. Belle mais sombre. Brune, de grosses boucles aériennes coupées courtes. Son visage rond est presque enfantin.
Leurs regards se croisent un instant. Elle a des yeux dorés. Un regard perçant.
Agate est certaine de ne pas la connaître mais quelque chose lui semble familier. Presque dérangeant. Elle s’efforce de ne pas revenir vers ces deux billes d’or qui l’intriguent. Elle tressaille. Un malaise fugace. Elle se sent tout à coup froide à l’intérieur.
À suivre…
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