Lire Gary dans la rue…

Cette inconnue m’a fascinée. Assise seule sur un banc. Rue Montmartre. Un après-midi doux de mars. Cette femme tenait entre ses mains, La promesse de l’aube de Romain Gary.

Peu lui importait l’environnement bruyant, les poubelles en arrière-plan, les passants qui la frôlaient. Elle était complètement absorbée par Gary. Je l’ai déjà été aussi. A ma manière. Qui sait où il l’avait embarquée quand je suis passée près d’elle ? Quelque part dans les airs, en Afrique ? Dans sa tête à imaginer un nouveau roman ? Au cœur d’une correspondance avec sa mère possessive ?

“Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais.”

J’ai ressenti la même chose la première fois que j’ai entendu le comédien Stéphane Freiss donner lecture de ce magnifique texte.

Le souvenir remonte… Cher Stéphane.

“ Donner. Oui c’est le mot juste. Et je sais combien tu les aimes justes. Tu avais mis tant de générosité dans ton élocution, ton regard, ton sourire, ta gestuelle ! Ta gravité aussi. Dans ton jeu. Tout simplement.

Au premier rang, j’étais à nouveau une petite fille. Subjuguée, les yeux écarquillés, embués parfois ou le visage fendu d’un sourire, selon. J’étais blottie, hors du temps, et je me laissais conter un récit émouvant. Non dénué d’humour.

Devant moi, assis sur scène, tu incarnais Romain Gary. Celui que tu admires tant. Dont les livres peuplent ta vie. Tu étais lui et nous contais l’amour que ta mère te portait. Son admiration et ses espoirs. Ton désir d’y répondre. Or l’amour maternel – comme tout autre – n’est jamais simple, ni rectiligne. Il comporte ses failles, ses creux et ses épingles entre deux élans jubilatoires. Je retenais mon souffle. Bouleversée.”

Comme sans doute cette femme. Dans cette rue parisienne. 

Plus rien d’autre ne comptait pour elle que sa lecture…

Et j’ai trouvé ça beau. Si beau.

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