Ô vous, frères humains d’albert Cohen : Déchirant !

Bonjour les Amis,

« Un enfant juif rencontre la haine le jour de ses dix ans. J’ai été cet enfant. » Albert Cohen, 1972.

Le jour de ses dix ans, le seize août 1905, Albert Cohen, fringant garçonnet, arpente les rue de Marseille sous le soleil, à la recherche de contacts humains, désireux d’entendre parler français, curieux de jouir de la vie. Heureux comme un môme ! Jusqu’au moment où, buvant les paroles d’un camelot qu’il était venu écouter avec contentement et tendresse, ce dernier s’adresse à lui en l’insultant. 

“Toi, tu es un sale youpin, hein ?…/… Je vois ça à ta gueule, tu manges pas de cochon, hein ? Vu que les cochons se mangent pas entre eux, tu es avare, hein ? Je vois ça ta gueule…/… Allez, file, débarasse voir un peu le plancher, va voir à Jérusalem si j’y suis. ”

La honte est née précisément dans l’instant qui suit. Dans cette fulgurance où Albert Cohen, s’accrochant au vain espoir que ce camelot plaisantait, a souri devant ce doigt qui le congédiait. Honte d’avoir tenté d’excuser la cruauté, tenté de s’acoquiner avec l’individu pour lui montrer que tous deux étaient du même monde. Que rien ne les différenciait. La candeur du petit primait dans cette seconde de basculement. Et pourtant, humilié dans son cœur et dans sa chair, l’enfant s’est senti broyé, chassé de la communauté humaine.

Une forme de folie s’est emparée de lui en quelques heures d’errance dans les rues de la ville. La mort rôdant dans son esprit, son envie de la rencontrer. S’y réfugier même. A dix ans… Avant de s’isoler du monde deux mois complets, dans le noir quasi total de sa chambre qu’il nomme alors « sa petite France ». Laissant passer la lumière uniquement pour dévorer les livres qui l’entouraient.

Ce récit écrit avec justesse durant la vieillesse de l’auteur est déchirant. L’innocence de la victime dûe à son jeune âge est absolument saisissante, en contraste avec son ressenti d’une maturité incroyable. Une oeuvre unique et magistrale sur l’antisémitisme. Sur la culpabilité d’être né.

Ne jamais céder aux discours haineux.

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