
« et ce que le procureur a dit, c’est qu’un homme ne doit pas mourir pour si peu, …/… »
Que dire de cette entrée en matière si singulière. Laurent Mauvignier commence la première phrase de son roman, sans majuscule d’une part, avec le mot ET, d’autre part. Me signifiant ainsi que je lis une suite… celle d’une histoire déjà bien entamée, et surtout mal engagée pour le protagoniste principal. Il me laisse prendre au vol le cours de ce récit stupéfiant.
Par cette méthode, Laurent Mauvignier m’a instantanément immergée dans un drame dont j’ai pu imaginer l’amont, simplement grâce à ce premier mot. Ces deux lettres. Presque une injonction. Puis cette première phrase… Cette première phrase ? Eh bien non ! Ni première, ni dernière, ni multiples. Rapidement au fil de la lecture, j’ai réalisé : ce livre n’en n’est qu’une. Unique phrase. Sans même un point final. Une narration étonnante pour dire le tragique d’un événement qui traverse nos vies. Pas d’avant. Pas d’après. Ni fin ni début. Une sombre transparence. Quelque chose qui n’est pas. Pas même n’est plus, non. N’est simplement pas. À l’image de l’idée que ce qu’on ne dit, n’existe pas. Sauf pour les proches. Ici le frère du défunt. Une lacération pour lui.
Un exercice périlleux brillamment mené à terme.
J’ai parcouru ces pages écrites sans manières, sans fioritures, avec un naturel désarmant. Un véritable plongeon dans le récit. J’ai lu en apnée. A peine dans un souffle. J’étais cet homme. J’étais incarnée. Cet homme dont les mots lui échappent pour se défendre. Cet être au bout de sa vie. Car il est question d’une mort stupide, injuste. Pourtant le plus choquant dans cette histoire, semble être le fait que ce soit la raison de cette vie emportée qui importe plus que la mort elle-même. Un homme ne doit pas mourir pour si peu…
J’aime particulièrement chez Laurent Mauvignier, cette étrangeté de l’écriture, oserais-je dire. Pour chacun de ses livres il crée un univers stylistique proche d’un langage inédit. Une originalité, une recherche constante à surprendre le lecteur qui fleure bon avec l’excellence.
Ce que j’appelle oubli est une fiction inspirée d’un fait réel survenu à Lyon en 2009.
Je vous souhaite chers Amis, une parenthèse suffocante.
Je vous glisse les chroniques d’autres titres de Laurent Mauvignier que j’ai beaucoup aimés :
Laisser un commentaire